Éloignement Géographique Volontaire (EGV)

Qu'est ce que l'Éloignement Géographique Volontaire ?

Après une rupture, beaucoup de mères et de pères veillent à maintenir leur présence auprès de l’enfant et prennent des dispositions pour vivre tous les deux à proximité de la crèche ou de l’école. Beaucoup de parents sont ainsi exemplaires sur ce point.
Mais, quand un parent se réfugie derrière son bon droit pour s’éloigner à des centaines de kilomètres de l’autre parent dans le but de réaliser ses désirs ou projets, la loi ne gagnerait-elle pas à l’éclairer sur ses devoirs de parent et lui rappeler l’intérieur supérieur de l’enfant ? (Source)

Que dit la loi ?

Selon l’article 227-6 du code pénal :
« Le fait, pour une personne qui transfère son domicile en un autre lieu, alors que ses enfants résident habituellement chez elle, de ne pas notifier son changement de domicile, dans un délai d’un mois à compter de ce  changement, à ceux qui peuvent exercer à l’égard des enfants un droit de visite ou d’hébergement en vertu d’un jugement, d’une convention judiciairement homologuée ou d’une convention prévue à l’article 229-1 du code civil, est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. » (Source)

Ainsi, celui des deux parents qui déménage doit en avertir l’autre parent suffisamment à l’avance afin de pouvoir s’organiser. Bien entendu, si le déménagement n’a pas de conséquences sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le délai d’information est plus souple, mais reste impératif.

Il est ici important de souligner que le déménagement de l’un des parents n’est en aucun cas soumis à l’accord de l’autre parent.
D’autre part, nous trouverions pertinent que cet article de loi soit modifié, afin que le changement de domicile soit notifié en amont et non à postériori.

En cas de désaccord

Selon l’article 373-2 du code civil :
Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.

Malgré cet article du code civil, certains parents, principalement dans le cadre de divorces conflictuels, décident, de façon arbitraire et sans consultation préalable, de déménager à des dizaines de kilomètres, voire des centaines de l’autre parent, rendant ainsi toute mise en place de résidence alternée impossible.
Le parent victime de cet éloignement géographique volontaire se retrouve alors sans recours judiciaire lui permettant de sanctionner ce départ et de faire respecter ses droits. En effet, entre la saisie du JAF et le jugement, il peut se passer plusieurs mois, ce qui fragile grandement le lien entre l’enfant et l’un de ses parents.
En 2006, la Cour de cassation a confirmé que les juges du fond, en cas de déménagement, recherchent si le comportement du parent ne traduit pas un refus de respecter le droit des enfants à entretenir des relations régulières avec l’autre parent. De fait, il existe des situations où le parent qui a la résidence principale déménage à plusieurs centaines de kilomètres en vue de rendre impossible en pratique l’exercice des droits de l’autre parent.
(Source)

Concilier tant la liberté des parents que la préservation de leurs liens dans l’intérêt supérieur des enfants peut s’avérer être une tâche extrêmement difficile pour le juge tant les causes du déménagement peuvent être multiples : raisons professionnelles (mutation, promotion, nouvel emploi suite à licenciement…) ou personnelles (se rapprocher de sa famille, rencontre d’un nouveau compagnon / d’une nouvelle compagne, volonté de changer de cadre de vie…).

De manière générale, la tendance jurisprudentielle consiste de plus en plus à sanctionner le parent déménageant en transférant la résidence de l’enfant, les juges tenant compte prioritairement de l’intérêt supérieur de ce dernier mais également des motifs du départ du parent déménageant.

La Cour d’Appel peut ordonner un transfert de résidence lors de certains éloignements géographiques volontaires

En 2018, un père apprenant que la mère de son enfant de 9 ans prévoyait de quitter les Hauts-de-Seine pour la Côte d’Azur, a soutenu que ce déménagement violait ses droits et que, de ce fait, la résidence habituelle de l’enfant devait être fixée chez lui.
Le Juge aux affaires familiales a clairement rappelé que le départ de la mère pour la Côte d’Azur relevait d’un choix personnel de sa part et non d’une nécessité de telle sorte qu’il pouvait s’analyser en une violation délibérée des droits du père. Le projet proposé par ce dernier étant conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant (maintien de tous ses repères), il a accepté de fixer la résidence habituelle chez lui dans les Hauts-de-Seine.

La Cour d’Appel de Limoges a considéré que, « même si ni l’attachement de l’enfant pour sa mère, ni les qualités éducatives de la mère ne peuvent être contestés, les circonstances particulières du départ de celle-ci montrent qu’elle a bien mis le père devant le fait accompli ». (Jugement du 22 juin 2018) (Source)

Déménagement(s) et stabilité psychologique des enfants

Des chercheurs de l’Université de Stirling, l’Université Queen et du Collège des experts scientifiques écossais, ont travaillé sur les données de 1 515 participants, âgés de 15 ans au départ de l’étude, et suivis pendant plus de 20 ans. Ils ont comparé l’état de santé, en relevant différentes mesures 5 fois au cours de l’étude, des sujets qui avaient eu une résidence stable durant leur enfance avec celle d’enfants qui avaient souvent déménagé. L’échantillon final analysé comprenait 850 participants. La détresse psychologique a été évaluée à l’aide d’une échelle standard à 12 items.
D’autres facteurs tel que l’exclusion sociale, l’absence de domicile, le nombre de frères et soeurs ont été pris en compte. Enfin, les chercheurs ont analysé la relation entre le nombre de déménagements dans l’enfance et la santé à l’âge de 18 et 36 ans.

Ils constatent qu’à 18 ans :
Les personnes qui ont déménagé au moins 1 fois ont un risque ou score plus élevé de détresse psychologique contre ceux qui n’ont jamais changé de domicile.
Les personnes qui ont déménagé au moins 3 fois sont significativement plus susceptibles d’avoir consommé des drogues illicites par rapport ceux qui n’ont jamais déménagé. (Source)

Dans une autre étude, des chercheurs ont suivi 19 112 enfants américains pendant plusieurs années : de la maternelle jusqu’à l’équivalent de la fin de la 4ème. Grâce à cette période d’observation, ils ont découvert que les déménagements successifs avaient d’abord des effets néfastes sur le comportement.
« Chez les plus jeunes, ils sont associés à une baisse des aptitudes sociales et à une hausse des problèmes émotionnels et comportementaux », explique ainsi Rebakah Levine Coley,
professeur de psychologie éducationnelle au Boston Collège (aux États-Unis) et principal auteur de cette étude. « Et ces effets peuvent durer plusieurs années. Caprices, colères, crises de larmes, hyperactivité… C’est lié à la brutalité du changement. »

Chez les enfants âgés de 9 à 14 ans, on relève aussi des effets à court terme dans le domaine scolaire : une baisse des résultats en  mathématiques et des performances en lecture, notamment. Ils constatent également des troubles qui s’accumulent au fil des déménagements et qui peuvent s’aggraver en cas de bouleversement supplémentaire (nouvel enfant, changement de structure familiale). (Source)

Quelles solutions doivent être mise en place ?

Qu’un papa ou une maman souhaite refaire sa vie, faire carrière, est bien légitime. Toutefois, cette reconstruction ne doit pas se faire au détriment du bien-être de l’enfant en le privant de son autre parent. Pourtant, ces pratiques sont encore bien trop nombreuses et légales en France. Ce que l’on nomme « éloignement géographique volontaire » n’est pas reconnu par le droit français. Des lois existent pour informer de cet éloignement, mais la justice n’apporte pas toujours de réponse concrète pour protéger les enfants d’une rupture de lien forcé avec l’un des parents.
Nous pensons que pour faire aller les décisions des parents dans le sens de l’intérêt supérieur de l’enfant, la loi doit évoluer. Plus qu’un objectif de sanction, ces mesures obligeraient surtout les deux parents à placer l’enfant au centre d’une réflexion commune
pour son projet de vie.

Principe de base du transfert de résidence :
Dans le cas où l’éloignement géographique volontaire a des incidences non souhaitées sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, notamment concernant les droits de visites et d’hébergement fixés par le juge des affaires familiales, la résidence de l’enfant sera transférée à l’autre parent. Ce transfert pourra être acté uniquement si toutes les conditions requises sont réunies pour assurer le bien-être de l’enfant.

Le but de cette solution n’est pas de bloquer les déménagements, mais d’inciter systématiquement les parents à discuter sur le projet de vie de leur enfant.

Compensation du temps présent auprès du parent qui s’éloigne géographiquement :
Le rythme des visites tout d’abord, devra être déterminé, au cas par cas, en fonction du temps de trajet, de l’âge de l’enfant, de sa capacité à voyager seul. Ainsi il est évident que pour des parents éloignés d’une centaine de kilomètre, le rythme d’un week-end sur deux peut tout à fait être conservé, ce qui ne sera pas possible avec des parents éloignés d’un millier de kilomètre. Il faudra donc adapter le droit en fonction de cette distance. Plusieurs possibilités usuelles : augmenter le nombre des vacances dont bénéficiera le parent éloigné et prévoir que quand il viendra dans la région ou demeure l’enfant, il pourra le prendre pour la journée, la soirée ou le week-end sous réserve d’un délai de prévenance d’une huitaine par exemple.

Comme parfois accordé actuellement, l’augmentation du nombre de vacances est variable également en fonction de la distance. Un parent qui demeure à l’autre bout de l’hexagone bénéficiera éventuellement des ponts et de toutes les vacances de toussaint.

Si les parents éloignés demeurent à plusieurs heures d’avion, il faudra alors prévoir que le droit de visite sera majoré pour les vacances les plus longues, par exemple toutes les petites vacances et plus de vacances d’été.